Une histoire Milanaise

Voilà, je vais vous raconter une histoire vraie qui m’est arrivée il y a peu et qui est tout simplement incroyable. Moi–même, à certains moments en me relisant, je crois rêver mais, après un ou deux whiskies, ça commence à aller mieux, heureusement, et je m’endors en oubliant ce que j’ai vécu.

J’étais alors, mon cul posé sur un fauteuil d’un appareil de la Brussels Airlines en direction de Milan, lorsqu’une hotesse annonça d’une voix suave que nous allions devoir nous poser à Tombouctou.

La raison en était simple mais connue seulement depuis peu par certains initiés: on avait volé Milan pendant la nuit et ceci, probablement pour en faire des chaussures de marque. Plus aucune trace des Milanais, des Milanaises et surtout des escalopes. J’adore l’escalope milanaise, le soir, au fond du lit…mais, bref, revenons à nos moutons.

La nouvelle était donc toute fraîche et on avait déjà un coupable potentiel. En effet, de source sûre, on l’avait entendu dire à l’aéroport de Bordeaux : « Je vole Milan ». Là, la source que nous avons qualifiée tout à l’heure de sûre, ne se souvient plus si le présumé coupable avait dit « Milan » ou « vers Milan ». Ceci montre la qualité de la source qui n’a pas hésité un seul instant à exprimer les doutes, même mineurs, qu’elle pouvait avoir. L’homme était gras, dans la cinquantaine et mangeait un radis au moment de son arrestation. La société des radis a immédiatement protesté mais le fait est avéré et on le lui rendra dès que nous en aurons fini avec cette sombre histoire. Quant à la source, elle prétendit, lors de son audition être le coupable et que nous n’avions rien compris. Qu’à cela ne tienne, c’est une bonne piste et nous la gardons, à défaut d’atterrir sur celle de Milan.

L’ennui de la disparition de Milan est que cela crée un trou, plus particulièrement en Italie. De plus, si on perd Milan, on revient en 1009, en plein moyen âge et je ne pourrai plus trouver dans les magasins mon shampoing aux agrumes qui me procure ce look si particulier. Ce que j’espère, c’est que juste le trou perdra Milan et que le reste restera à la même époque. Un autre problème préoccupant est la disparition de l’escalope Milanaise. On m’a assuré qu’il faisait quelque chose d’identique à Tombouctou avec du gnou et du fromage de gazelle mais, je doute que cela n’atteigne la cheville du chef-d’œuvre lombard… Ah, que n’ont-ils volé Frankfort? En premier lieu, je n’y allais pas et puis, je n’aime pas la choucroute. Mais qu’en auraient-ils fait ? Sans doute des Mercedes mais il y en a déjà tellement sur le marché… Finalement, je comprends leur choix, la seule chose est que cela m’ennuie énormément.

Nous allons donc nous poser à Tombouctou avec tous les autres vols en direction de Milan. Tombouctou est en effet, le seul aéroport qui ait autorisé cette invasion. Tous les autres aéroports, parait-il, avaient peur et ont refusé d’un geste de la tête sans équivoque. Il paraît que Tombouctou a un manque cruel de main d’œuvre pour l’extraction des diamants dans les galeries profondes des mines se trouvant dans la jungle méridionale ainsi que dans les cuisines où le gouvernement prévoit une croissance énorme de la demande des escalopes tombouctoniennes dans les prochains jours.

Tombouctou, en apprenant la nouvelle, a judicieusement annulé tous les vols au départ de cet aéroport pour une période de dix ans, renouvelable sept fois.

Nous allons donc bientôt atterrir et je suis atterré. Pas atterré d’atterrir mais atterré de terreur à ce qui m’attend dans ma nouvelle vie.

Certains en riraient et j’étais généralement de ceux-là lorsque l’histoire ne me concernait pas. Le pire est sans doute arrivé aux Milanais. Bien que, les connaissant, je ne serais pas prêt à parier qu’ils n’ont rien à voir dans cette sombre histoire. Peut-être ont-ils juste fait courir le bruit pour avoir une journée un peu plus calme et rire en regardant le journal télévisé en nous voyant débarquer à Tombouctou… Ah les salots…